Le Bti, sélectif?
D’abord, que signifie sélectif?
Sélectif: Un réactif qui affecte presque exclusivement un minéral ou une fraction donnée sans pratiquement affecter les autres (Office de la langue française).
Ce terme, provenant vraisemblablement du secteur minier, perd considérablement de son sens lorsque transposé dans le monde de la biologie:
Sélectif: Un réactif qui affecte presque exclusivement une espèce vivante ou une fraction de la famille de cette espèce sans pratiquement affecter les autres.
On ne saurait être plus vague. Faire passer le terme sélectif d’un monde statique à un monde vivant pour qualifier l’impact d’un produit et de ses adjuvants sur un sous-ordre d’espèces, sans même en avoir identifié toute l’étendue, sans en cerner non plus les innombrables interactions directes et indirectes dans les milieux, c’est faire preuve d’une grande méconnaissance du complexe monde du vivant… ou pire, c’est en faire fi.
Partant du constat de la science qui dit que le Bti affecte le sous-ordre des nématocères, personne ne connaît l’ampleur de l’impact du Bti ni de ses adjuvants sur les écosystèmes du simple fait que personne ne mesure la complexité de ces milieux.
Voici par contre ce que nous savons:
- Chez les Nématocères (sous-ordre sensible au Bti), jusqu’à 20 400 espèces sont non encore identifiés au Canada. Voici des espèces de cette famille dont la sensibilité au Bti a été démontrées:
- Les quelque 8 moustiques piqueurs recensés au Québec et les mouches noires;
- Une cinquantaine d’espèces de moustiques non piqueurs;
- Les chironomes (midges en anglais), cousins des moustiques, également non piqueurs:
- Les chironomes sont très répandus dans nos plans d’eau et ils nourrissent directement et indirectement quantité d’espèces dans ces milieux. Une fois que les larves deviennent moucherons, elles quittent par milliers les milieux aquatiques, forment des nuages stationnaires ou se déposent sur les arbres, nos maisons, etc. pour nourrir les oiseaux et de nombreux autres insectivores en milieux terrestre.
Voyez cette courte vidéo (en anglais) expliquant le rôle essentiel des chironomes.
- Les chironomes sont très répandus dans nos plans d’eau et ils nourrissent directement et indirectement quantité d’espèces dans ces milieux. Une fois que les larves deviennent moucherons, elles quittent par milliers les milieux aquatiques, forment des nuages stationnaires ou se déposent sur les arbres, nos maisons, etc. pour nourrir les oiseaux et de nombreux autres insectivores en milieux terrestre.
Voici d’autres espèces sensibles au Bti:
- les trichoptères, plécoptères, éphéméroptères, lépidoptères, hémiptères, de même que les crustacés, gastéropodes, poissons et algues (Boisvert, Jacques, Lacoursière, Jean O., 2004). Ainsi, en plus des chironomes, sont affectés par le Bti: des espèces de 7 autres familles de Nématocères, 9 autres ordres d’invertébrés, 4 familles de poissons et 2 espèces d’algues (Boisvert & Boisvert, 2000).
Questions:
- Des 57 espèces de moustiques recensées au Québec, combien d’espèces peut-on trouver dans les secteurs pulvérisés?
- Si seulement 8 des 57 espèces de moustiques au Québec piquent, ne nous trouvons pas, avec le Bti, à détruire une majorité d’insectes non piqueurs, y compris les chironomes?
- Comme les chironomes se trouvent à la base des réseaux trophiques, combien d’espèces souffrent directement ou indirectement de l’impact du Bti sur cette importante source de nourriture dans les milieux aquatiques?
- Comme les chironomes deviennent des moucherons et quittent ces milieux par milliers, combien d’espèces d’insectivores sont privés de cette nourriture en milieu terrestre?
- Comme il y a pulvérisation de Bti à répétition d’avril à octobre à chaque année et dans certains cas depuis plus de 20 ans, que sait-on sur les possibilités de surdosage dans les milieux?
- Puisque nous ne disposons pas d’un tableau clair ni exhaustif des espèces touchées à divers degrés par le Bti, comment statuer sur sa sélectivité?
- Comment mesurer la quantité totale de nourriture renouvelable perdue pour la faune aquatique et terrestre?
- Quels impacts cette perte de nourriture cela pourrait-il représenter sur les écosystèmes à chaque année ?
- Que signifie « sélectif » véritablement? Est-ce que ce terme ne devrait pas également englober toutes les espèces affaiblies ou qui disparaissent en raison de l’impact indirect du Bti?
- Que la disparition d’individus soit directe ou indirecte, quelle différence sur le constat final?
- Quelle proportion du déclin actuel des insectes dans le monde est imputable au Bti?